6 décembre 2017

Fardeau

Le fardeau est lourd aujourd'hui. Le ciel est grisâtre comme mon coeur. Je ne sais ni où aller ni où me confier. A qui parler de toi. C'est la Saint Nicolas, ils sont bien occupés. A chérir leurs enfants, à les gâter, à rire à deux, à célébrer, à préparer. J'ai mis le sapin, j'ai accroché les guirlandes et les décorations. Dieu que j'aimerai échanger toutes ces beautées et ces cadeaux contre seulement toi devant la cheminée. A qui en parler désormais le temps deuil est terminé, la date de péremption de mon désespoir est passée. Ils vont oublier que Noel est une fête si difficile de notre coté, ils vont nous inonder de cartes de voeux inutiles qui nous rappellent combien le sourire qui est sur la nôtre appartien au passé. Je vais te dire, cette photo de carte de voeux, elle ne date pas de cette année. Cette année il n'y a aucune photo de moi qui rit, à part celle improbable et mystérieuse du jour où l'on a conçu ta soeur. Les anges étaient certainement là pour nous mettre un peu de bonheur. Notre photo de carte de voeux date d'un mois avant ta conception à toi Théophile. Je la regarde, on était si différents, si vivants, si insouciants. 

Le fardeau est lourd aujourd'hui. Je sens le poids que je dois porter et porterai tout le reste de ma vie. Et il n'y a absolument plus personne pour tendre l'oreille, pour m'aider à soulever cette pierre immense qui broie mes épaules. Le temps n'aide pas, j'ai envie de le crier: le temps n'aide pas ! La douleur est si vive, si tu savais. Les autres ne parleront pas de toi ce Noel, ils vont nous souhaiter bêtement, égoistement, une bonne année. Oh oui, ils nous souhaitent du bonheur, on en parle tellement de ce bonheur qu'on a pas compris qu'accepter notre peine c'est faire un pas vers notre apaisement, parler de notre enfant, c'est nous apporter un sourire. Ce n'est pas nous souhaiter une meilleure année, un nouveau bébé, une autre page qui se tourne. Rappelez-nous notre fils, dites-nous que vous pensez à nous, que vous pensez à lui ce soir là, acceptez qu'on ne saura pas aussi joyeux au repas, qu'on ne viendra peut-être pas. Tant d'éducation qu'on doit faire, on ne m'avait pas prévenue qu'en plus de porter cette incroyable peine, il faudrait en plus apprendre aux autres à compatir à notre douleur. Il faut tout apprendre, et tout leur apprendre. On devrait tous avoir des cours d'empathie à l'école, on devrait arrêter de mettre le deuil de côté. Je n'ai plus personne à qui parler, et je dois encore une fois donner une sorte de fascicule mental sur le comportement adequat à avoir face à des parents endeuillés. Et je suis fatiguée. Le monde me fatigue. Si ma fille n'était pas là nul doute que j'envisagerai sérieusement de m'endormir pour un endroit où il n'y a plus rien à expliquer. 

Le fardeau est lourd aujourd'hui. Ce n'est pas grave. Demain, peut-être, il s'en ira faire un tour. 
Le fardeau est lourd.