8 décembre 2017

Illuminations

Où sont les lumières, celles qui ravissaient mon coeur d'enfant. Les lumières de la ville Lumière, les lumignons aux fenêtres de Lyon. Le huit décembre, c'est la fête de la cité, ce sont les Illuminations. Chaque année je me souviens, nous allumions religieusement des dizaines de bougies que nous mettions à toutes les fenêtres la nuit tombée. La ville est tachetée de petits soleils, elle se pare de magnifiques rayons de couleur sur tous les monuments, les habitants descendent par milliers dans les rues et arpentent en famille ce déluge de lampions. C'est là leur vrai début de l'avent. On mange des pommes rouges caramélisées, de la viande grillée, on boit du vin chaud et épicé, on déambule, on monte à Fourvière allumer un cierge pour ajouter une énième petite âme lumineuse veillant sur la ville. 

Tant de fois j'ai marché dans ces rues. Je peux fermer les yeux et les refaire, trottoir par trottoir, magasin par magasin, de place en place. Arriver place de l'opéra, devant la mairie, prendre à droite dans la rue des Pita, passer devant le café de la Paix et le café Leffe, le bar tabac, la fontaine de la place des Terreaux. La deuxième gauche, rue Edouard Herriot, où j'ai habité quelques temps. Marcher jusqu'au théatre des Jacobins, m'asseoir sur un banc. Je n'ai plus besoin d'y aller, à Lyon, je peux chaque fois me transporter dans ma tête, tellement les souvenirs sont grands. Je me réjouis tellement d'avoir pu t'enmener une seule fois avec moi. C'était un si beau moment mon petit Théophile, nous étions si heureux. Tu gigotais dans mon ventre quand je marchais le coeur léger, je regardais chaque espace de la ville d'un oeil nouveau. Un oeil de maman. Je nous imaginais revenir ensemble, toi dans ton landau, moi si fière de te faire découvrir ma ville natale, ma ville de coeur. C'était une formidable semaine que nous avons passé ensemble, juste avant ton départ pour l'au-delà des anges. 

J'ai beaucoup de peine à m'imaginer revenir ici avec ta soeur. Cette fête des Lumières que j'avais transportée jusqu'à Bruxelles, ces lumignons que je préparais minutieusement sous la pluie belge chaque année, aujourd'hui, je n'ai pas le coeur de les allumer. Je ne peux pas lancer de festivités, ma seule festivité c'est le souvenir de mon fils. Ce soir aucune lumière ne brillera dans ma maison, seulement l'étoile de mon amour pour toi Théophile. Aucune lumière ne viendra nous enchanter, il n'y a que l'obscurité qui nous acceuille ce soir. Et tout comme les lyonnais priaient la Vierge contre la Peste, je vais prier. Je vais prier pour que ton âme soit en paix, car mon coeur de maman s'inquiète de savoir si tu es bien là où tu es. Je vais prier pour être cette fois préservée de cette funeste maladie qui t'a emporté, pour que ta soeur arrive. Peut-être que l'an prochain nous allumerons les bougies sur les rebords de la fenêtre, peut-être. Quand le plus terrible des malheurs vient, à qui s'en remettre ? Je n'ai plus que mes mains pour prier, mes yeux pour pleurer. Dieu que l'humain est vulnérable et faible, et dieu que nous l'oublions vite. 

Ca fait bien longtemps que le mal du pays à disparu. Est-ce parce que je suis de moins en moins française. Est-ce parce qu'une partie de moi n'appartient finalement plus du tout à ce monde. Tu l'as prise avec toi dans ta petite main, cette partie de moi. Tu as ravi une partie de mon âme, aucune mère n'est complète sans ses enfants. Les mères orphelines sont des âmes errantes sur terre, elles attendent, elles espèrent.