20 décembre 2017

Te quitter

Une sensation d'étouffement me prend à la gorge. Il fait nuit, la maison, le quartier, toute la ville est endormie. Moi j'ai un poids qui appuie sur ma poitrine et me rappelle douloureusement, combien tu n'es pas là. Elle, elle est là, la petite; elle gigote au dessus de ma douleur immense. Mon dos est bloqué tu vois, et je ne peux pas dormir.C'est la même douleur que les jours précédant ta naissance brutale, c'est une douleur qui me fait peur. Mon corps a l'air de reconnaître que le terme de cette grossesse approche dangereusement les six mois et des poussières. Ton terme Théophile. Je sais que c'est ton terme à toi, le sien, personne ne peut savoir quand il est. Alors j'essaie de faire la part des choses dans le noir, seule avec mes enfants. Tu n'es peut être pas là mais je suis quand même seule, avec elle, et avec toi. Seule avec mon fardeau, seule avec mes épaules qui me font mal. Seule avec l'angoisse qui prend brualement à la gorge. 

Je ne veux pas quitter ton année Théophile. 
Je l'aime cette année 2017, je l'aime énormément, c'est ton année mon petit chat, tu n'es pas un mauvais souvenir que je souhaiterai m'empresser d'effacer. Je ne veux pas qu'on me souhaite le meilleur, le plus beau à venir, je n'ai pas besoin de savoir que l'année prochaine n'est qu'un futur hypothétique où nous serons peut être heureux, peut être vivants, peut être morts. Pour l'instant, chaque jour qui passe m'éloigne de ceux que nous avons passé ensemble, et me réjouir de ta soeur ne m'empêche pas de pleurer cette absence grandissante. Celui qui a dit que le temps guérissait toutes les blessures n'avait pas perdu un enfant. Chaque jour, une forme de douleur presque identique à celle du départ me reprend par vague et m'entraine vers le fond. Ton absence est un océan. Et je plonge encore souvent dedans. 

Je ne veux pas quitter ton année Théophile, cette année que je ne pourrais jamais oublier, elle n'a besoin d'aucun tatouage, d'aucune marque sur mon corps pour me souvenir à quel point une partie de mon coeur s'est désagrégée en te ramenant dans un cerceuil. Ce petit cerceuil blanc. Aucune mère ne devrait se retrouver ce petit cerceuil blanc. Comment peut-on espérer que les fêtes soient cette année ce moment de joies et de retrouvailles? Comment arrive-on encore à espérer que les prochains Noel seront moins difficiles. J'ai monté le sapin, plein d'étoiles, de lumières et de rêves, il n'est que pour toi Théophile. Tu as de beaux cadeaux emballés à son pied, ta soeur aussi, vous êtes les plus gâtés cette année. Tu vois, une mère reste une mère, il n'y a pas de secret. 

Les voeux s'amoncellent, les célébrations se préparent, et je fais ce Noel pour toi. Je m'attable, j'emballe les beaux présents, je compose le menu. Et c'est ton image qui est en moi, que je porte, comme l'étandard de mon courage. Comme un hommage. Je t'aime Théophile, j'espère que tu me vois. J'espère que tu ne sens pas ma peine mais seulement l'immensité de mon amour. Je ne veux pas te quitter encore une fois Théophile, mais il le faudra bien. Chaque jour qui passe m'éloigne de notre premier regard, mais chaque seconde me rapproche de nos retrouvailles. Attends moi de l'autre côté. Et sur Terre, elle aussi, elle m'attends autant que moi, je l'attends. Viendra-elle, dans quel état, et quand. La nuit est longue, la lumière n'est pas encore réapparue. Pour l'instant il 'y a pas eu de printemps, seulement un interminable hiver où le soleil avait l'air d'un intrus. 

Viendra-t-elle. 
Quelle est cette année vers laquelle nous marchons.